Au début du XIXème siècle, les paysans de Vouzeron doivent accentuer l’élevage pour pouvoir se nourrir et développer le commerce. Un inventaire de 1800, mentionne la présence de 200 moutons et 600 agneaux afin d’augmenter les cheptels. Cela pose un problème car le loup est omniprésent ! Voici son histoire passée sur notre commune mais peut-être aussi le retour de sa présence.
Le loup fait parti des animaux sauvages communs sur la commune de Vouzeron. La preuve est une lettre du Maire de Mars 1820, demandant l’autorisation au Préfet du Cher d’organiser des battues car les loups causent des « dégradations dans les troupeaux de bêtes à laine ». Depuis 1797 un décret fixe les modalités de la chasse aux animaux nuisibles en indiquant que seule l’administration préfectorale sur sollicitation des maires peut autoriser des battues. La réponse ironique du Préfet indique clairement que les loups sont des animaux auxquels il faut s’habituer : « Vous chasserez les loups des petits bois, et ils se jetteront dans les grands bois où vous ne pourrez les suivre. Ils trouveront un repaire plus assuré et ainsi vos efforts seront sans aucun avantage pour la conservation des troupeaux ».
C’est à partir du milieu du XIX siècle que les différents Préfets vont appliquer de nombreux arrêtés pour essayer d’abattre les loups dans la commune de Vouzeron et des alentours. Ainsi celui du 3 février 1849 indique clairement que « les propriétaires ont le droit de détruite en tous temps sur leur terre ou dans leur bois les animaux nuisibles dont en premier les loups ». Par la suite de nombreux arrêtés sont promulgués comme l’exemple ci-dessous :
Mr Vermeil, lieutenant de louveterie à Vierzon est souvent chargé d’organiser ces chasses aux loups dans notre commune. Ce lieutenant va ainsi pourchasser le loup en réquisitionnant toutes les forces possibles auprès des paysans, fermiers, métayers mais aussi auprès de la Gendarmerie et d’autres auxiliaires de l’Etat. Durant plus de 10 ans plusieurs chasses et battues sont organisées par ce Lieutenant sans pour autant éradiquer complètement le loup. Il faut dire que le système de battue à ses limites, il mobilise beaucoup d’hommes non formés pour ça, qui sont souvent soustraits de leur travail et cela coûte cher. Du coup ces chasses collectives ordonnées sont peu fructueuses.
A partir de 1866 c’est Mr Caveron régisseur du Domaine auprès de la baronne Roger, qui est en charge d’organiser des chasses pour la « destruction » du loup. Mr Caveron doit développer la culture et l’élevage pour faire de Vouzeron une région agricole. Des travaux sont engagés pour irriguer des champs, construire de nouvelles voies de communications et des fermes, planter de nombreux arbres… A chaque fois il faut repousser le loup hors de ces nouveaux territoires conquis.
Mais c’est surtout le goût pour la chasse du jeune Albert Eugène baron Roger, fils de la baronne, qui aura raison de ce mammifère. Il ne va pas admettre qu’un autre chasseur que lui ne circule librement sur ses terres et vienne ponctionner son gibier. Ainsi « Entre 1875 et 1880 les gardes de la propriété du baron Roger, en bordure de la forêt de Vierzon tuent un certain nombre de grands loups » (Source : La Nature, Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie, Volume 61, 1933). Sa passion le conduit à créer un équipage de chasse à courre : le Rallye de Vouzeron toujours en activité aujourd’hui.
Ses chasses étaient célèbres et elles ont contribué à la fin de l’existence de ce prédateur au-delà de notre commune. Ainsi jusqu’au début du XXième siécle l’équipage de Vouzeron a continué à traquer le loup jusque dans l’indre. Un témoignage de Mme Veuve Trotigon en 1976 atteste de ces chasses à courre dans la commune de Reuilly.
Mais c’est certainement la loi de 1882 augmentant fortement les primes versées pour la destruction d’un loup qui sera la cause de sa disparition dans notre région. L’utilisation d’appâts empoisonnés devient systématique et apporte plus de résultats que les piégeages. Ainsi le 3 février 1883, Etienne Tourlet, garde particulier à Vouzeron détruit un loup à l’aide d’un chien mort dans lequel une potion de strichnine a été déposée. Le loup mâle âgé d’environ trois ans a été présenté au maire et devant deux témoins (afin de toucher la prime, le chasseur doit faire constater par l’agent municipal de sa commune le décès de la bête par la présentation du cadavre). Le 10 avril de la même année, Alfred Fontaine, garde particulier empoisonne également un loup. En 1896, un dénommé Alfred Hache tue encore un loup près de Vierzon.
Mais contrairement à ce que l’on image, le loup ne chasse pas en meute comme il le ferait dans un territoire avec peu d’activités humaines. Il a adopté un comportement plutôt solitaire. Il a aussi l’habitude de la présence de l’homme et de ses installations.
Rien d’étonnant à ce qu’à l’aube de la première guerre mondiale, un veneur charentais, L de la Bastide, a encore témoigné de la présence d’un loup en forêt de Vierzon (Ref : Lettre de L de la Bastide au journal La Nature, 1933).
Depuis cette dernière apparition, le loup n’a pas été vu dans nos forêts, mais cela pourrait bientôt changer.
Un siècle est passé, et le grand absent est de nouveau présent dans de nombreuses région française.
Où se trouve t’il aujourd’hui ?
Il y a de nombreuses sources d’information très différentes. Les données validées scientifiquement par les analyses ADN (de poils, de crottes notamment) sont celles de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage). Selon cet organisme, les loups les plus « proches » de nous sont signalés dans la Nièvre.
D’autres sources comme la presse écrite ou l’Observatoire du loup se basent eux sur des témoignages avec l’incertitude des propos recueillis. Pas étonnant selon ces organismes, que le loup soit déjà présent dans le Cher, le Loiret et même le Loir et Cher.
Où est la véracité de la présence du loup ?
Il ne faut pas se satisfaire forcément des informations officielles mais il convient également d’être très prudent sur les témoignages recueillis.
La présence réelle ou présumée du loup dans une région génère de nombreuses réactions, la plupart du temps hostiles à cette espèce. Les pouvoirs publics ont plutôt tendance à minimiser la progression du loup.
Pourtant il suffit de prendre les données « officielles » de l’ONCFS pour comprendre que l’évolution du retour du loup en France depuis les années 90 est progressive et inévitable (http://www.oncfs.gouv.fr/Bulletin-dinformation-du-reseau-Loup-ru130/Bulletin-LOUP-du-reseau-ar986 ). Il est donc fort probable que le loup soit déjà présent dans le Morvan. La présence d’un seul canidé peut passer inaperçue durant de nombreux mois. Le déplacement particulier pour la reproduction ou l’alimentation par bond (dispersion) est assez caractéristique de l’espèce. Il faudra attendre des traces scientifiques ou des photos pour valider cette hypothèse.
Doit-on se préparer à le combattre ?
Certainement pas, car il reprend simplement sa place au sommet de la chaîne alimentaire. Ce super-prédateur est peut-être la solution aux problématiques de déséquilibres faune-flore liées aux surpopulations de grands ongulés sauvages sur les massifs forestiers de Sologne. C’est un élément de biodiversité. Il a un rôle et une place à occuper dans la régulation des cerfs, les chevreuils…
Quel peut être son impact dans la forêt de Vouzeron ?
Il est attesté que le retour du loup sur un territoire induit une insécurité qui influe sur les déplacements et les lieux d’alimentation des proies potentielles. Ces dernières doivent raisonner leurs cheminements de fuites en permanence et particulièrement lorsqu’elles se nourrissent. Elles doivent être constamment sur le qui vive qu’elles soient dans un lieu a priori sûr ou non. Sans rentrer dans les détails, les scientifiques observent des conséquences sur la végétation avec un moindre abroutissement dans certains secteurs et une extension des périmètres d’alimentation. En effet, les semis ou les jeunes plants sont broutés par des animaux sauvages. En cas de surpopulation et concentration, cette consommation fait subir aux végétaux des dégâts importants. Le retour du loup provoquerait un relatif étalement des populations d’ongulés dans l’espace et une diminution de ces destructions. On pourrait aussi évoquer la sélection naturelle qui s’exercera immanquablement sur les espèces chassées. Cette sélection repose sur des critères différents de ceux que les chasseurs humains ont l’ambition d’exercer et exercent en pratique.
Quand va-t-il traverser la Loire et atteindre la sologne ?
Les spécialistes estiment qu’il sera dans nos régions dans 3 à 5 ans. Mais les loups (en fait, les jeunes mâles en dispersion) peuvent faire des centaines de kilomètres pour s’éloigner de la meute originelle. La Sologne étant pour lui une région qui comporte de nombreux avantages : peu peuplée, ongulés sauvages abondants, tranquillité… La fixation géographique de meutes est quant à elle plus aléatoire. Elle est soumise à l’aléa anthropique, sans compter les éventuels conflits d’usages liés aux élevages et à la chasse.
Mais ces analyses ne tiennent pas compte des mesures prises au niveau de l’Etat. En Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne (1979) transcrite dans le droit français en 1989. L’espèce est protégée sur le territoire national par l’arrêté ministériel du 22 juillet 1993 publié à la suite des premières observations attestées du loup en France. Cependant depuis 2014, l’Etat français autorise plus facilement que des loups puissent être abattus. Les conditions étant assouplies, cela permet le tir de loups en l’absence de troupeaux. Ainsi plus de 30 bêtes en 2015-2016 ont été abattues (sans tenir compte du braconnage). Les tirs de loups autorisés par l’Etat augmentent toujours plus alors que la population de loups commence à diminuer. On estime à environ 300 loups en France, ce chiffre est à comparer avec les 2000 signalés en Italie et en Espagne.
La sologne est un territoire avec suffisamment de proies pour que les loups s’y installent. Ce mammifère craintif qui évite l’homme aura vraisemblablement plus de mal à s’établir dans nos forêts. Celles-ci sont ouvertes et entretenues ce qui n’est pas forcément le cas des nombreux domaines privés. L’avenir nous dira si ce canidé va choisir Vouzeron comme lieu de refuge…
Article de Jean Lasson (HTVS).
Je tiens à remercier (par ordre alphabétique) :
– Mr Jacques Baillon auteur de plusieurs livres sur le loup, disponibles à la vente sur le lien suivant :
http://www.thebookedition.com/fr/recherche?search_query=Jacques+Baillon
– Mr Daniel Bernard, historien et auteur de différents livres sur le loup dont le livre « La fin des loups en bas-berry ».
– Mr Pierre Braud, historien et auteur du livre « Vouzeron et les barons Roger ».
– Mr Alexis Hachette de l’ONF, Responsable de l’Unité Territoriale Vierzon-Vouzeron.