Vouzeron et la guerre de 1870

La guerre de 1870, souvent oubliée des mémoires est pourtant celle qui va générer la revanche de 14 pour la récupération de l’Alsace & Lorraine mais aussi à l’origine d’une nouvelle guerre civile en France.

La guerre de 1870 est aussi le premier conflit où des photographies sont réalisées

La guerre dans le Cher

L’empereur Napoléon III déclare la guerre aux royaumes de Prusse le 19 Juillet 1870, mais suite à plusieurs défaites (dont celle de Sedan) il doit capituler début septembre 1870.
Le 4 septembre une nouvelle république est proclamée à Paris. Les troupes allemandes assiègent alors la ville pour faire plier le gouvernement constitué.
Gambetta après s’être enfuit en ballon de Paris, espère reconstituer des régiments en province pour venir délivrer la capitale. Il s’approprie tous les pouvoirs pour poursuivre la guerre, sa décision sera lourde de conséquences.

Cuirassier Français

La mort, l’emprisonnement et le limogeage d’officiers fidèles à l’empereur ont déstructuré l’organisation militaire. Gambetta s’improvise alors chef des armées depuis Tours où il a trouvé refuge. Mais l’offensive allemande est plus forte et malgré l’héroïsme des combattants, Orléans est occupée le 11 octobre 1870.
L’Armée de la Loire est alors constituée pour barrer l’avancée de ces Uhlans et pour reprendre le territoire perdu. Suite à la défaite de Juranville, ne pouvant plus délivrer Orléans, il faut maintenant défendre le Cher et Bourges.
Les mois de novembre et décembre 1870 sont particulièrement froids. L’armée de la Loire se replie depuis Salbris en empruntant les villages de Neuvy sur Barangeon mais aussi Vouzeron jusqu’à Bourges.

Le 6 décembre 1870, les prussiens sont aux portes du département et foncent vers Vierzon qu’ils envahissent le 8 décembre 1970. Des pillages ont lieu dans les wagons restés en Gare mais ils sont surtout l’œuvre de troupes française en déroute. La résistance face à l’envahisseur est faible, la route de Bourges est alors ouverte. Des Uhlans sont signalés à Saint Laurent et à Foecy (aucun témoignage à Vouzeron, mais il est probable que des éclaireurs soient passés). Les prussiens situés à Salbris font route vers Aubigny et la Chapelle d’Angillon.
Gambetta rejoint Bourges le 11 décembre pour stimuler les troupes et être présent au plus proche des combats. Il découvre une partie de « son armée de Loire » en débris, lui qui voulait que le général Bourbaki puisse reprendre la marche vers Paris en passant par Montargis et Fontainebleau, sa déception est grande. Un drapeau noir flotte sur le clocher de la cathédrale, la petite vérole s’est répendue dans la ville. Les troupes restent dans les villages autour de Bourges ou directement dans la neige épaisse, il fait un froid glacial. A l’Ouest, les plus chanceux sont hébergés à Mehun sur Yevre, mais ils doivent se tenir sur la défensive.

Représentation d’un Zoauve avec une troupe d’Uhlans

En fait les prussiens n’ont qu’un but : couper les nœuds ferroviaires de Vierzon. En effet Vierzon est à la jonction des lignes vers Bordeaux, Orléans et Bourges. Ils font ainsi sauter le pont de chemin de fer sur l’Yèvre puis se retirent sur Salbris. Le 14 décembre, Vierzon n’est plus occupée.

A partir du 12 décembre, le général Bourbaki commence à reconstituer une armée de 100 000 hommes. Il doit aussi trouver les cadres pour commander les nombreuses divisions très écliptiques et variées de son armée.
Il propose à Gambetta de contourner les allemands en passant à l’est de bourges. Gambetta inspecte les troupes stationnées au nord de la ville le 17 décembre 1870 et le 18 décembre l’armée de l’Est se met en route vers Nevers avec le 18ème corps d’armée, le 20ème corps et le 15ème corps. Mais finalement ce dernier doit faire marche arrière et rester sur Bourges pour assurer les arrières.
Informés de ce mouvement, les prussiens décident de remonter toutes les forces déployées en Sologne jusqu’à la Loire pour mobiliser de nombreux hommes. Cette nouvelle force est envoyée vers Auxerre pour définitivement couper la route de Paris à la nouvelle Armée de l’Est mais là c’est une autre histoire…

Représentation du Général Bourbaki

Pendant ce temps, le 15ème corps a reçu l’ordre de manœuvrer vers l’ouest et le nord du cher. Le 28 décembre 1870 un escadron du 9ème cuirassiers, 3ème division du 15ème Corps s’installe à Vouzeron (l’état major français suppose que les prussiens se cachent encore dans les bois de sologne). A partir du 29 décembre des unités prennent position à Vierzon, Salbris et Aubigny. Il faut se rendre à l’évidence, il n’y a plus de prussiens dans le cher.
Le 31 décembre, le 1er zouaves de marche vient cantonner à Vouzeron, le 15ème Corps devant rejoindre l’armée de l’est du général Bourbaki. Il y aura bien une tentative mi-janvier 1871 de regrouper toutes les forces encore présentes dans la région sur Vierzon (environ 2000 hommes) pour libérer Blois mais l’armistice intervenant le 26 janvier 1871, cette initiative ne changera rien à l’issue de la guerre même si les combats ont continué après cette date. Dans la région, les allemands occuperont encore Orléans jusqu’au 16 mars 1871.

Que reste-t-il de cette période ?

Au cimetière de Vierzon-Ville, un monument (toujours visible) inauguré le 17 avril 1887 célèbre la mémoire des morts de 1870-1871.

Plus mystérieusement, une sépulture d’un soldat prussien existerait à côté de la ligne ferroviaire vers Châteauroux au lieu dit « Le pont du prussien ». Des photos attestent de cette tombe mais aujourd’hui aucune trace n’est visible.

Le pont du Prussien.
Photographie de la tombe de l’Uhlan.

Et pour Vouzeron ?

Même si notre commune se trouvait sur un point de passage, elle n’a « visiblement » pas subi les séquelles de ce conflit.
L’histoire retiendra plutôt le sort d’un habitant de Vouzeron : Moulon Jules. Ce jeune homme né le 24 mai 1849 à Nancay, exerce la profession de cultivateur avec ses parents. Quand la guerre éclate il est appelé le 8 août 1870 pour rejoindre le 100ème régiment d’infanterie et participer aux combats à l’Est de la France. Suite à la défaite à Sédan, il fuit avec le reste de son régiment devant Mézières pour regagner Paris. Il intègre le 114e régiment d’infanterie de ligne qui doit protéger Paris. Une tentative pour percer le siège allemand afin de rejoindre l’armée de Loire est organisée le 30 Novembre 1870. C’est durant cette opération militaire et plus précisément à Champigny, que le jeune Moulon Jules aura la cuisse brisée. Le 2 décembre 1870, cette bataille se termine sur une défaite avec plus de 15000 morts dont une majorité du côté français. La paix étant signé, Jules Moulon regagne le domicile de ses parents à Vouzeron. Son infirmité ne lui permet plus d’exercer les travaux de culture. Même s’il perçoit à partir d’août 1872 une pension pour son handicap, il devient nécessaire pour lui d’exercer un nouveau métier. C’est un autre type de « culture » qui va l’aider. Ce jeune homme, un peu illettré au début de la guerre, va alors rejoindre les bancs de l’école de Vouzeron et pendant plus de 18 mois d’études, il va acquérir l’éducation nécessaire pour enseigner. Il quittera notre village pour continuer sa carrière à La Guerche (37) où il sera notamment Maire-Adjoint.

Copie du Décret de 1872 indiquant le versement d’une pension d’invalidité à un habitant de Vouzeron : Moulon Jules.

Ce conflit a fait plusieurs centaines de milliers de morts directs ou indirects (suite blessures ou maladies). Les combattants venaient de tous les départements de France mais aussi de nombreux pays (Grèce, Irlande…) et des colonies françaises en Afrique. Le Cher a mobilisé plusieurs centaines de combattants dans l’armée régulière ou comme francs-tireurs. Ces anonymes sont malheureusement « les oubliés de l’histoire ».

Jean Lasson – Histoire & traditions Vouzeron.